lundi 16 mars 2015

J’ai réussi à rester en vie de Joyce Carol Oates

Présentation
Le matin du 11 février 2008, Raymond Smith, le mari de Joyce Carol Oates, s’est réveillé avec un mauvais rhume. Il respire mal et son épouse décide de l’emmener aux urgences où l’on diagnostique une pneumonie sans gravité. Pour plus de sûreté, on le garde en observation. Une semaine plus tard, au moment même où il devait rentrer chez lui, Raymond meurt d’une violente et soudaine infection nosocomiale. Sans avertissement ni préparation d’aucune sorte, Joyce est soudain confrontée à la terrible réalité du veuvage. Au vide. À l’absence sans merci. J’ai réussi à rester en vie est la chronique du combat d’une femme pour tenter de remonter de ce puits sans fond. De poursuivre une existence amputée du partenariat qui l’a soutenue et définie pendant près d’un demi-siècle. En proie à l’angoisse de la perte, à la désorientation de la survivante cernée par un cauchemar de démarches administratives, et les absurdités pathétiques du commerce du deuil […]

Mon avis (Lu il y a un bout)
Dans plusieurs de ses romans et écrits dame Oates nous raconte la perte subite d’un être cher. Par exemple «Mère disparue», «Un Endroit où se cacher» ou encore «Les Chutes» mais dans ces ouvrages ; les intrigues, personnages et événements sont fictifs. Par contre, J’ai réussi à rester en vie n’est pas une fiction. C’est son propre témoignage face à la mort de son époux, face à la culpabilité, le manque de «l’autre», le chagrin et à l’angoisse.
En des mots simples, parfois bouleversants, cette grande écrivaine se livre sans masque, mais en toute pudeur. D’une sincérité parfois poignante, elle témoigne sur les durs instants de la mort soudaine de son mari. Elle nous narre l’avant  de ce triste événement;  du temps où rien n’atteignait leur bonheur à travers d’heureux souvenirs :

Extrait :
Il avait huit ans de plus que moi pendant la plus grande partie de l'année. Né le 12 mars 1930. Je suis née le 16 juin 1938. 
Si lointaines, ces naissances ! Et nous étions mariés depuis si longtemps, depuis le 23 janvier 1961 ! Au moment de l'accident, nous étions à quelques semaines de notre quarante-septième anniversaire de mariage. En lisant ces lignes, si vous êtes plus jeunes que nous l'étions, vous aurez du mal à croire que pour nous ces dates étaient irréelles, ou surréalistes ; pendant notre longue vie commune, nous avons toujours eu le sentiment que nous venions de nous rencontrer, que nous étions "neufs" l'un pour l'autre, encore en train "d'apprendre à nous connaître" ; nous étions souvent "timides" l'un avec l'autre ; il y avait beaucoup de choses que nous ne souhaitions pas nous dire ni "partager", à la façon des gens qui ne se connaissent intimement que depuis peu et ne veulent pas risquer d'offenser ou d'étonner. 

Puis l’après, lorsque l’angoisse de la solitude, de ce qui ne sera plus, et ces absences, détresses et peurs qui s’installent et semble vouloir s’accrocher.
Les mots de Joyce Carol Oates coulent de source entre hier et aujourd’hui, entre l’acceptation, l’incompréhension, entre ce statut de veuve» et tout ce que ce «rôle» implique.

À travers les souvenirs, cette dure réalité, ses souffrances, son envie de tout laisser tomber Oates doit aussi retrouver la force de tenir, de poursuivre sa route malgré tout. Elle doit se relever. Alors avec courage, avec une force qu’elle prend en elle et de ses ami (e)s proches,  avec celles de ses étudiants et son amour pour l’écriture, tous vont lui offrir cette volonté de rester en vie.

Un livre au-delà de ce qu’écrit Joyce Carol Oates car très intimiste. Un fort beau et bouleversant témoignage sur le deuil, le chagrin mais aussi sur l’amour et l’amitié.  À lire vraiment.

J’ai réussi à rester en vie de Joyce Carol Oates
Éditions Philippe Rey, 2011

Lus de l'auteure: Blonde Hantises Le goût de l'Amérique - Mère disparue - Mudwoman - Nous étions les Mulvaney - Petit oiseau du ciel - Petite soeur, mon amour  - Un endroit où se cacher

2 commentaires:

Aline a dit...

C'est une lecture qui semble assez difficile.
Je prends note même si, en ce moment, j'ai plutôt envie de choses légères à lire.

Suzanne a dit...

@ Aline
Non ce n,est pas difficile. Quelques passages tristes c'est un fait, on le serait à moins, mais c'est aussi un excellent récit sur la résilience, la détermination et la beauté de la vie malgré tout.

Une sacrée auteure.