dimanche 18 octobre 2020

La femme qui rit, Brigitte Pilote

Depuis la mort de sa femme, Émile Sever mène avec son fils une existence recluse sur la ferme familiale, jusqu’au jour où il se résout à engager une domestique. Celle qui se présente a un passé mystérieux, une volonté farouche de s’ancrer quelque part. Aussi Florian l’accueille-t-il avec hostilité. Son père, obsédé par la transmission de son patrimoine à sa descendance, se prend à imaginer qu’elle pourrait être la parfaite épouse. Florian se fait à l’idée, d’autant que cela lui permet de préserver son jardin secret. Et l’enfant paraît. 

De cet excellent écrit je ne vous dévoilerai pas grand-chose tout simplement parce que ce roman ne se décrit pas; il se découvre, il se vit au même rythme des mots déposés par l’auteure. Des mots racontant une histoire de peu de personnages vivant leurs états d’âme, leurs secrets, leurs souvenirs, leurs émotions chargées de bons et de mauvais. Des mots nous livrant peu de l’époque en laissant autant de place à une nature et des lieux qui font aussi office de personnages.

 '' La chape de neige a fondu et la plaine grise se confond avec le ciel. Les couleurs de l’été n’écloront pas avant plusieurs semaines. Avant que la terre redevienne féconde, le pays a cette apparence de tranquillité qui ne dure pas longtemps. […]N’ayant de prise sur rien, ni sur le sol gelé ni dans les branches où ne pointent pas encore les bourgeons, le vent n’a d’autre choix que de courber l’échine, comme les bêtes amaigries dans les bois. '' 

 '' Toutes les saisons la ravissent. Sous le bâillon blanc de la neige, elle voit scintiller les couleurs que prend la plaine en juillet. Hiver comme été, elle garde sur sa peau l’empreinte du vent, entend le bruit des feuilles qui ruisselle jusqu’à elle. (…) Elle ne tire pas tout de suite les rideaux, un ciel ocre coule sur les arbres et elle veut profiter du spectacle. '' 


 '' La maison des Sever est une longère avec un toit de lauzes comme il y en a beaucoup. Ses fenêtres ne laissent pénétrer que des minces lames de lumière qui viennent se figer dans le parquet à certaines heures du jour. '' 

 Une intrigue à l’atmosphère mystérieuse due à Émile le veuf, Florian le fils et cette femme qui, bien au contraire du titre, ne rit pas et n’esquisse presque jamais de sourire sauf en son for intérieur. Trois êtres bourrus, angoissés, gardant chacun pour soi leurs secrets devront se deviner, s‘apprivoiser mais, au bout du compte, la communication, les rapprochements entre ces êtres si différents ne seront aucunement possibles. Trop de non-dits ancrés dans des silences depuis fort longtemps. 

 Une histoire à la fois troublante et puissante avec des rebondissements inattendus et étonnants. Un roman à la prose belle et poétique qui m’a charmée du début à la fin. J’ai vraiment beaucoup aimé au point que je n’hésite aucunement à vous conseiller de vous laisser emporter à votre tour au fil des mots de Brigitte Pilote. 

La femme qui rit, Brigitte Pilote 



4 commentaires:

Florinette a dit...

J'aime ces romans qui nous transportent dans une atmosphère intrigante et mystérieuse ;-) Belle journée ma Suzanne, je t'embrasse !

Suzanne a dit...

@ Florinette

Et cette lecture nous en donne plein la vue comme atmosphère. :A lire. Belle journée mon amie. xx

Marion a dit...

Oh! Brigitte Pilote. Je me souviens de son écriture que j'avais découverte avec ''Motel Lorraine'' et qui avait fait de ce livre un de mes coups de coeur du moment.

Il n'y a aucune fioriture, aucun emballage, juste des mots qui expriment très précisément ce que l'auteure veut communiquer. Pas de grandes envolées ou d'effets de ceci ou de cela, mais des phrases qui savent créer l'émotion.

Une écriture proche des gens, des personnes, des êtres. Une écriture extrêmement humaine.

Suzanne a dit...

@ Marion

J'ai ''Motel Lorraine'' dans un de mes carton non ouverts encore par manque de place. Un moment donné je vais le lire sirop.
Pour ''La femme qui rit'' c'est un huis-clos fort réussi crois-moi. Je te le conseille les yeux fermés. Câlins mon amie. xx