mardi 19 mai 2015

C’est le coeur qui meurt en dernier de Robert Lalonde


Robert Lalonde évoque de façon bouleversante celle qui fut sa mère, femme piégée par le destin et qui d’outre-tombe continue d’entretenir avec son fils un rapport de tendresse et de bataille. « J’émerge, essoufflé, d’un rêve où tu t’adressais à moi dans une langue inconnue. Inquiète, énervée, volubile au-delà de ton accoutumée, tu cherchais à me confier le fin mot de ton histoire, la réponse enfin à ta question lancinante – " J’ai été qui, j’ai été quoi, peux-tu me le dire ? […] Quelque chose comme : " J’ai été celui qui a eu raison de t’aimer, puis raison de te haïr et de m’enfuir, raison de faire ma vie loin de toi, et finalement raison de rentrer, même s’il se fait tard." »

Cette lecture je viens vous la raconter sur le tard et en quelques mots, car je me sais déjà incapable de tout dire tellement je suis encore bouleversée.

C’est un portrait que Robert Lalonde nous offre de sa mère non pas comme une biographie mais plutôt sous forme de dialogues, de photos, de petits secrets jamais dévoilés, de souvenirs d’avant, de bons et moins bons moments. Non cette œuvre n’est pas un règlement de compte mais une recherche de lui-même à travers ses propres souvenirs et ceux de celle qui l’a mis au monde. Raconter ce qu’elle était, ce qu’il a vécu par elle, quelques fois pour elle, leur relation tumultueuse, leurs conversations trop courtes pour ne pas dire l’indisable…

Par ce très beau récit, Robert Lalonde nous raconte une femme qui aimait se plaindre de tout, peu choyée par la vie disait-elle, dépressive plus souvent qu’autrement et très dépendante de tout.  Mais parfois elle savait être autre, comme si elle aimait jouer un rôle, chantant, riant de ses propres frasques, elle oubliait les mauvais côtés.  Bref, un être insondable, difficile à saisir que le fils cherche encore à comprendre comme ses silences et œillères qu’elle se mettait face à ce secret longtemps tu et qu’elle n’a accepté d’en glisser mot qu’avant sa mort. De tristes moments encore trop présents au cœur de deux êtres n’ayant jamais vraiment appris à se parler.

Ce récit est quelque peu différent de ce que j’ai lu de Lalonde jusqu’à ce jour. Très intimiste, l’auteur va au plus profond de lui avec un regard encore plus observateur comme pour ne plus rien cacher et taire.  Il en a voulu à sa mère, à son père, à la vie mais il avait et a encore un profond attachement pour celle qui malgré tout, avec ses côtés Jean qui rit et Jean qui pleure, lui a légué le goût du théâtre et la passion d’écrire:
« À coup sûr tu m’as légué la parole qui surestime le réel, le dramatise, à l’aide de beaux mensonges insignifiants. Tu m’as légué l’imagination qui fait voir. »

Finalement je vous en ai parlé plus que je ne le croyais de ce superbe récit et en dernier lieu, je me permets de vous le conseiller expressément car, lire les mots de Lalonde, cette vérité qui vient du cœur, présentée autant avec colère, humour et tendresse, vaut vraiment le détour.


C’est le coeur qui meurt en dernier de Robert Lalonde
Boréal 2013


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