mercredi 6 mars 2019

Billydéki, Sonia Perron


« Billydéki n’était pour plusieurs qu’un bâtard. Il fallait qu’il parte. Je lui ai promis qu’il n’aurait jamais faim, qu’il serait en sécurité, qu’il reviendrait presque tous les étés et qu’un jour, il serait le grand Billydéki. »

Depuis quelques années on entend de plus en plus parler des pensionnats autochtones par les histoires tragiques qui s’y sont déroulées sous la coupe d’individus se croyant tout permis sous le signe de la sacro-sainte religion catholique. Des horreurs s’y sont produites et malheureusement la loi du silence a fait son chemin jusqu’à ce qu’enfin ces atrocités se dévoilent de plus en plus.

Bien sûr on est loin de la coupe aux lèvres mais heureusement aujourd’hui des êtres racontent et sont enfin entendus en espérant de tout cœur atteindre la guérison si minime soit-elle.

C’est sous un contexte semblable de dévoilement de vérité que Sonia Perron situe l’action de Billydéki en décrivant ce qu’un prête, directeur d’un pensionnat autochtone, a fait subir à de très jeunes enfants à peine âgés de six ans.

« Le Petit et moi, on s'est regardés. Un instant. C'était fait, On était amis. Je possédais les mots lui le goût du bonheur. Depuis qu'on est ici, Le Petit et moi, c'est comme ça qu'on réussit à survivre au pensionnat. » p.15
Photo: lapresse.ca

Dès les premières lignes, on plonge en 1945, dans l’enfer d’un pensionnat autochtone d’où on va suivre les parcours de Billydéki et de son ami Le Petit, deux jeunes, parmi tant d’autres, qui après avoir été dépossédés de leur identité, de leur culture avec l’interdiction d’utiliser leur langage pour les assimiler et d’en faire des êtres ''civilisés'' vont disparaître sans laisser de trace.

Pendant plus de vingt-cinq années, le secret sur la raison de ces disparitions sera tenu jusqu’à ce que le frère Thomas Laurin ayant défroqué depuis et dévoré par les remords, décide de révéler à la police tout ce dont il a été témoin à l’époque.
Suite à ces révélations l’enquêteur Robert Vaughn de la Sureté du Québec avec l’aide d’une collègue vont tenter, malgré les obstacles et embûches, de faire la lumière sur cette ignoble affaire.

Billydéki est un roman dont l’histoire est à la fois intense, dure et poignante et, malgré ce dur sujet, c’est difficile d'en lâcher la lecture dès que commencée. Puis, le choix de l’auteure d’écrire ce récit à quatre voix nous permet de connaître de manière plus approfondie le point de vue des personnages principaux. Passant des années quarante, d’où les tragiques événements se déroulent, en alternance avec l’année 1970 au moment où l’enquête est mise en place;  Billydéki, Thomas Larin, le père Aldéric Hébert et l’enquêteur Vaughn racontent et se racontent…

Un très bon bouquin que nous offre Sonia Perron. Bien que le sujet soit grave et que les vécus tragiques menant sur des conséquences dramatiques subies par les communautés autochtones sont bouleversantes, l’auteure évite de s’attarder sur les jugements ou tenter d’expliquer l’intolérable. Elle a plutôt choisi la sensibilité, le respect et l’espoir.

Vous aurez deviné; cette lecture m'a vraiment plu et j’espère que Sonia Perron songe déjà à nous concocter un prochain roman car il me tarde de lire ses mots à nouveau.

Billydéki, Sonia Perron
Fides, 2019



8 commentaires:

Marie-Claude a dit...

Vendu! Ton billet m'a incitée à aller lire l'extrait disponible sur le site de Fides. J'ai dévoré les 7 pages d'un souffle et là, évidemment, il me le faut. Outre l'histoire, bien sûr, le style m'accroche beaucoup. Merci pour la découverte.

Suzanne a dit...

@ Marie-Claude

Tu te doutes bien que le sujet est difficile mais il n'y a pas que le tragique; la lumière de l'espoir prend sa place. Bonne future lecture gentille dame.

Florinette a dit...

Cette histoire me fait penser à celle de Dominique Rankin qu’il raconte dans son témoigne « On nous appelait les sauvages » et qui m’avait bouleversée !!
Bonne journée ma Suzanne, je t’embrasse.

http://www.leslecturesdeflorinette.fr/article-on-nous-appelait-les-sauvages-dominique-rankin-123779435.html

Suzanne a dit...

@ Florinette

Bonjour mon amie.
En effet ce thème terrible on le retrouve de plus en plus dans la littérature autochtone et c'est parfait comme ça car ces atrocités doivent être connues. C'est un devoir de mémoire. Cependant Billydéki est basé sous un fait réel mais le côté ''policier'' est une fiction.

Milly a dit...

Presqu'un hasard, je prépare un billet d'un album jeunesse sur ce sujet. Je l'ai acheté hier. C'est 'Je ne suis pas un numéro' et c'est l'histoire de 3 enfants qui doivent aller dans un pensionnat et on leur enlève leur identité. ça me touche toujours beaucoup ces histoires d'horreur. Mais il faut que ces choses soient dévoilées. Je note ton roman.

Karine a dit...

Ce livre me fait tellement peur, c'est fou. J'en au lu quelques uns, ça m'a empêchée de dormir pendant des semaines. Depuis, je me blinde un peu avant d'en lire d'autres sur le sujet.

Suzanne a dit...

@ Karine

Il est vrai que c'est troublant et on ressort de cette lecture chavirée. Mais bien que le sujet est terrible, dans Billydéki, il y a au moins des moments d'espoir ce qui apaise quelque peu.

Suzanne a dit...

@ Milly

Hon, je vais sûrement ''tomber'' sur ton billet. Je te lis régulièrement gentille dame même si je ne laisse pas de petits mots.

À très vite.