mardi 4 février 2020

Ta mort à moi, David Goudreault

Résumé
Marie-Maude Pranesh-Lopez est aux prises avec un « trou blanc » qui la pousse à toujours fuir vers l'avant, à tout essayer, ce qui se solde invariablement par une profonde indifférence. Sa mère provoque volontairement des accidents de la route, qui causent des embouteillages. Son père, fervent consommateur de psycho-pop, se livre à la méditation chromatique et adhère à tout ce qui peut favoriser sa croissance personnelle. Dans un récit déconstruit, entrecoupé de pages du journal intime de Marie-Maude, l'auteur explore le thème de la fatalité, en mettant en scène des personnages pour lesquels la rédemption n'arrive pas.

Mon avis
Dès son plus jeune âge Marie-Maude n’a pas tiré le gros lot dans sa vie. Née laide, à la voix rocailleuse et souvent inaudible, une mère intransigeante envers elle lui préférant son petit frère malade, un père insouciant, passif et peu tourné vers la famille bref, Marie-Maude, avec un tel entourage, n’a juste pas envie d’être sociable, ne s’attache à personne devenant un être difficile, imperturbable à l’image de ce que la vie lui fait vivre. Mais dans le fond, qui est vraiment cette Marie-Maude que l’on tente de deviner tout au long du roman? Comment doit-on prendre ce personnage, future écrivaine, dont le biographe nous dépeint la vie à travers un portrait tantôt impitoyable tantôt presque tendre tiré de ses souvenirs entremêlés de ceux de cette héroïne d’après le journal de celle-ci.
Chose certaine, Marie-Maude Pranesh-Lopez est un personnage à la fois fascinant et compliqué, trimballant ses secrets de femme tourmentée, asociale mais devenant, petit à petit, empathique envers les êtres marginaux qui croiseront son chemin.

J’avoue que j’ai eu de la difficulté à m’attacher à cette Marie-Maude qui, tout au long de son parcours, nous donne l’impression de carburer essentiellement à la douleur. J’ai eu de la misère à me faire à ses intolérances, son indifférence, ses relations plus que difficiles comme si elle ne voulait aucunement oublier l’avant, se refusant à s’ouvrir aux autres. Mais le désespoir de cette poétesse, son immense solitude ont fini par m’attendrir et, au bout du compte, j’aurais finalement voulu la découvrir, la connaître.

Enfin, avec Ta mort à moi David Goudreault nous offre un roman à l’histoire profonde, triste et complexe à la fois. Une histoire dans laquelle l’amour refusé par l’héroïne, ses errances, ses tourments, ses douleurs, son extrême tristesse nous rendent inconfortables mais nous pousse à la réflexion. Bref un roman déroutant, troublant et touchant raconté par la plume habile et belle d'un auteur au talent plus que certain.


 Quelques extraits qui m’ont touchée au cœur.

« Parfois, la beauté est dans le regard de celui qui ferme les yeux. »

« Il n'y a de grand que ce qui nous dépasse. »
« Combien d’enfants se sont pendus au bout des liens d’attachement qu’ils n’ont jamais eus? » 

« Sinon, c’est novembre dedans comme dehors. L’automne étend sa déprime. Même les feuilles se jettent en bas des arbres. »

 « Des légions d’imbéciles osent affirmer que le chemin est plus important que la destination. Ils ne connaissent rien des routes escarpées que les femmes de ma race doivent arpenter. […]Ce qui ne nous tue pas nous estropie, nous traumatise ou nous humilie. Le reste du temps, on aime ou on se ment.»


Ta mort à moi, David Goudreault
Stanké , 2019




8 commentaires:

Marie-Claude a dit...

C'est le premier billet que je lis sur ce dernier roman de Goudreault. Je ne connaissais rien de l'intrigue, mais me voilà au fait. Je ne sais pas si j'aurai envie d'y plonger, avec ce que tu en dis... À suivre!
Contente de te lire enfin!

Suzanne a dit...

@ Marie-Claude

Avant tout, merci de ton commentaire très apprécié.
En fait je comprends ta réticence car ce n'est pas une histoire disons joyeuse. Je ne te cacherai pas que j'ai préféré la trilogie ''La bête'' malgré l'écriture encore plus âpre de l'auteur racontant le parcours du personnage principal. Je me rends compte que je ne l'ai pas recensé cette trilogie!!! Je vais corrigé ça bientôt.

Belle journée à toi.

Karine a dit...

Je l'ai lu cette semaine et je me retrouve assez dans ton billet. Je ne me suis pas attachée à Marie-Maude mais je l'ai trouvée fascinante.

Suzanne a dit...

@ Karine

N'eut été de l'écriture de Goudreault je me demande si je n'aurais pas abandonné les péripéties de Mairie-Maude ;-)

Florinette a dit...

J'ai l'impression qu'il faut un moral d'acier pour se plonger dans un tel livre, même si à force on ressent de la compassion pour cette femme... en tout cas, les extraits que tu cites sont très profonds, très parlants.
Belle journée ma Suzanne, je t'embrasse !

Suzanne a dit...

@ Florinette

Bonjour mon amie. En effet ce n'est pas facile car la douleur est omniprésente mais faut essayer de faire abstraction si on veut poursuivre jusqu'au bout. Bon dimanche ma belle.

Grominou a dit...

J'hésite à le lire, j'ai peur que ce soit un peu trop noir pour moi... Par contre j'aime beaucoup Goudreault lorsque je l'entends à la radio ou à la télé, il allie l'intelligence à l'humour de belle façon!

Suzanne a dit...

@ Grominou
Bonjour gentille dame. En fait ce dernier de Goudreault est moins noir que sa trilogie de ''La bête'', Cependant il règne un bon bout du récit comme atmosphère de peine et de douleur, et c'est lourd. Mais c'est du Goudreault, une sacrée plume. À toi de voir.