Œuvre aussi forte que vaste, Music Hall! reprend les grands
thèmes que l’auteur explorait dans ses romans précédents – le mystère des
origines et de la filiation, l’irréparable solitude des êtres –, mais en leur
donnant leur incarnation la plus achevée. Dans Music Hall!, Gaétan Soucy a
construit un monde crépusculaire et envoûtant et il donne, en Xavier X.
Mortanse, un personnage qui comptera désormais parmi les figures inoubliables
de notre littérature.
Mon avis (Lu il y a un bon bout)
Xavier, jeune immigré Hongrois, travaille sur un chantier de démolition en plein New York pour finalement se retrouver dans un music-hall grâce un peu à sa "grenouille chantante".
Surprenant et bizarre mais surtout inquiétant comme sujet. Cette foutue misère qui habite notre infortuné héros nous atteint tout autant car au fil des pages on s'attache à Xavier. Ce petit bonhomme devenu adulte par la force des choses n’a pas la vie facile à travers cette satanée ville qu’il devra apprivoiser. Ce New York de 1920, en plein changement, démolitions, constructions dans lequel ce gentil garçon, un peu naïf, va connaître et rencontrer sur sa route la dureté et la cruauté de l’être humain.
C’est un roman au sujet triste, sombre et parfois très dur. Mais il y a certains côtés où l’humour et le fantastique prennent place avec de succulents personnages comme cette grenouille magique au prénom imprononçable, Strapitchacoudou! Puis il y a Griffith, Lazarre le contremaître/philosophe sans oublier la belle Peggy que Xavier chérit en silence :
Extrait
Il y eut tout à coup quelqu’un à ses côtés, une ombre, un climat, pas même à dix longueurs de pouce de son cœur. Il la reconnut à la noirceur luisante de sa chevelure, à son odeur de femme aussi. Il tremblait quand il écrivait ce nom dans les lettres qu’il adressait à sa sœur. Mademoiselle Ohara. – Peggy Sue Ohara.
Elle avait vingt-deux ans, et elle impressionnait Xavier, parce qu’elle connaissait les choses de la vie, qu’elle avait beaucoup vécues. Elle savait faire en outre des choses incroyables avec ses cheveux. Chaque jour, ce n’était pas pareil. Elle était coiffeuse, d’ailleurs. Certains soirs, pour arrondir, et par amour aussi, elle vendait des livres dans une librairie d’occasion (à ce qu’elle disait). Elle voulait toujours qu’il l’appelle Peggy, juste Peggy.
Elle trouvait que Xavier rentrait tard et le lui fit remarquer gentiment. Comme d’habitude en sa présence, Xavier ne savait où mettre ses mains, ses pieds, son cœur, ses genoux, son visage, ainsi de suite.
Bref; de beaux personnages aussi bizarres que tristes et qui restent en mémoire longtemps.
Dans Music-Hall l’auteur use d’audace en alignant des genres différents passant par le fantastique, le suspense et le roman noir. Y’a pas à dire, Soucy a un imaginaire hors du commun et c’est tout un conteur. De plus; il a une plume qui dérange, surprend mais belle, très belle et; même si parfois elle blesse, on y revient parce qu’elle nous accroche là; en plein cœur. À lire que dis-je; à savourer doucement pour y découvrir un auteur de grand talent.
Music-Hall de Gaétan Soucy
Boréal, 2002
Autres oeuvres de l'auteur sur ce blogue:
L'Immaculée conception
La petite fille qui aimait trop les allumettes
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